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RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (TOME 1 CHAPITRE 3)
RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (TOME 1 CHAPITRE 3)
RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS (CHAPITRE 3)
CHAPITRE 3
JEAN-MARIE EN 1925
Quelques jours se sont écoulés depuis sa rencontre avec Albert et Viviane se sent le courage de repartir vers une autre destination intemporelle. Pourquoi ne partirait-t ’elle pas de nouveau dans les années 20 et plus exactement en 1925, croiser le destin de son autre grand-père Jean-Marie qui effectuait cette année-là, son service militaire à la caserne de la Part-Dieu à Lyon dans le Rhône ?
La Part-Dieu, est connue pour sa gare ainsi que son centre commercial inauguré dans les années 1970, mais autrefois c’était une caserne militaire.
C’est le 22 décembre 1960 que fut signé un acte de cession de ladite caserne à la ville de Lyon, par le ministre des Armées. L'accord de principe était acquis depuis le 21 novembre 1958. Construite à l'emplacement d'une première gare aux marchandises du même nom, la gare de la Part-Dieu remplace la gare de Lyon-Brotteaux (située à 700 mètres au nord sur les mêmes lignes), qui a été fermée en 1983.
Conçue par les architectes Eugène Gachon et Jean-Louis Girodet, elle a été mise en service le 13 juin 1983 dans le cadre d'une opération d'aménagement urbain qui a vu la création d'un second centre-ville de Lyon et l'un des plus grands centres commerciaux de France, le centre commercial de La Part-Dieu situé juste en face de la gare sur le boulevard Vivier-Merle, un important centre administratif et un centre d'affaires dominés par « le crayon ».
Lyon comporte en fait cinq autres gares : Lyon-Perrache, Lyon-Vaise, Lyon-Saint-Paul, Lyon-Jean-Macé et Lyon-Gorge-de-Loup. Une sixième gare, Lyon-Croix-Rousse est fermée depuis 1953 aux voyageurs.
Ce quartier a sa propre légende, une légende historique qui explique pourquoi il a pris ce nom de la Part Dieu, en fait « la part donnée à Dieu ». C’était autrefois un vaste marécage, composé de champs et de terrains insalubres soumis aux inondations régulières du Rhône. En 1203, suite à un échange de bien avec Humbert de Beaujeu, un certain Mr Jean Blanchard devient propriétaire des terres dites « de la Part Dieu ». La famille Blanchard et les propriétaires suivants n’auront pas marqué l’histoire contrairement à celle des Beaujeu qui suivront. Humbert V de Beaujeu sera un militaire exemplaire aux côtés de Louis VIII le Lion, roi de France, durant la croisade contre les albigeois. Il deviendra un Croisé en 1247, et sera fait connétable par le roi Saint Louis durant la campagne d’Egypte qui eut lieu l’année suivante en 1248. Lors du siège de Mansourah, il tentera de sauver le frère du roi, le comte Robert 1er d’Artois mais malheureusement en vain. Il mourra en Terre sainte, à l’âge de 52 ans. Ensuite tout au long du moyen âge, ce quartier est un ensemble de près appartenant à divers institutions religieuses Lyonnaises.
C’est donc en 1679 et après plusieurs ventes successives que ce domaine finira entre les mains de Mme Catherine de Servient née Catherine de Mazenod. Surnommée Dame de la Part Dieu, elle abritait sur ses terres, son château ainsi que divers bâtiments agricoles. Cependant, un évènement va bouleverser la vie de Mme Servient et un peu plus tard celle de la ville toute entière. Le 11 Octobre 1711 se tenait le premier jour de la vogue de St Denis de Bron, appelé autrefois fête de Bacchus ou de Dionysos, fête célébrée depuis des temps immémoriaux par les Gaulois mais qui aujourd’hui n’existe plus. Comme toutes bonnes fêtes, en fin de soirée les joyeux fêtards, bien éméchés, rentrent chez eux. Cependant à cette époque un seul pont permettait de traverser le Rhône, le pont de la Guillotière. Les gens se pressant pour retourner en presqu’île sont donc tombés nez à nez avec le carrosse de Mme de Servient qui retournait sur ses terres de la rive gauche. Le carrosse de celle-ci a été accroché par un chariot venant en sens inverse et fut renversé en plein milieu du pont, ce qui produisit une barrière infranchissable sur laquelle la foule vint se heurter, ne pouvant plus traverser. Ceux qui étaient en tête, bousculés par ceux qui suivaient furent écrasés les uns sur les autres.
On dénombra 241 victimes dans ce qu’on appela “le tumulte du pont du Rhône”. Officiellement Il y eut 25 personnes noyées dans le fleuve et 216 personnes mortes écrasées. Nous ne saurons surement jamais le nombre exact de ceux qui furent jetés à l’eau dans le fort du désordre qui dura tout de même six heures. Suite à cet accident tragique, Mme de Servient fut tellement marquée par cette journée, qu’elle légua ses domaines aux hospices civils de la ville de Lyon au « profit des pauvres ».
Durant les évènements tragiques de l’été 1793 avec l’avènement de la rébellion Lyonnaise, une partie de l’armée révolutionnaire installa ses canons à la Part Dieu. Cette implantation aura pour conséquence la chute de Lyon qui deviendra une «commune affranchie». A la suite de la défaite, de nombreuses victimes de la répression sont exécutées à la Part Dieu. Une chapelle, située à proximité, sera élevée à leurs mémoire au 19ème siècle.
En 1852, la Guillotière est incorporée à la ville de Lyon. C’est l’ultime rapprochement d’une longue et complexe relation.
Pour en revenir à Mme Servient, celle-ci, rongée par le remords durant des années, donna donc ce qui fut pour elle « sa part de Dieu » quatorze ans après l’accident. Dans un premier temps, les hospices transformèrent en 1844 la plus grande partie de cet immense tènement en une caserne militaire.
Plus d’un siècle plus tard, on rasa tous les arbres et les bâtiments pour construire en 1968 le centre commercial actuel de la « Part-Dieu ». On en oublia complètement le vœu de Madame Servient qui était d’aider les pauvres. Rappelons tout de même qu’à cette époque, donner aux Hospices civils, était vraiment faire un don aux pauvres, les bourgeois se faisant soigner chez eux. Madame Servient à fait donation en 1725, donc de son vivant, de ses terres, de ses bâtiments et de toute la production agricole de cette même année. Dans un testament tenu secret, elle fit des pauvres de Lyon ses légataires universels sous diverses conditions, notamment la célébration de 600 messes basses, d’une rente viagère annuelle de 6000 livres et la prise en charge de son enterrement par les Hospices Civils de Lyon. Ce don lui permit de vivre très confortablement jusqu’à 83 ans, 6000 livres annuelles équivalant aujourd’hui à environ 87213 euros par an. L’alcoolisation des vogueurs l’ayant marquée à tout jamais, Mme Servient avait dans son vœu interdit l’installation de cabarets sur ses terres de la Part de Dieu. Pour rendre hommage au don de la « Dame de la Part-dieu » comme on la surnommait, la rue menant à la Part Dieu prit son nom Servient et les deux rues parallèles lui sont également liées, L’une à son domaine et l’autre à son nom de jeune fille, Mazenod (1).
(1) Source le Journal de l’Histoire. |
En 1925, c’est donc encore une caserne militaire, ayant 81 ans d’existence et c’est ici que Jean-Marie, âgé de 20 ans va faire son service militaire. Depuis 1923, cette formalité obligatoire pour tous les jeunes hommes en bonne santé est réduite, passant d’une durée de trois ans, instaurée en 1913, à dix-huit mois, ce qui a dû être fort apprécié par ceux n’ayant pas d’appétence pour l’armée.
Jean-Marie vit dans la Loire, et d’après les archives départementales, il dépendait de la subdivision militaire de Montbrison. Pourtant c’est bien de la caserne de la Part Dieu qu’il parlait lorsqu’il racontait ses souvenirs vers 1979-1980.
Viviane murmure doucement, les mots magiques :
« Mon beau miroir du temps qui passe,
Avant que ma vie ne trépasse,
Guide-moi à travers les âges,
Par la volonté du vieux mage. ».
Elle se retrouve 97 ans en arrière, en face de son « jeune » grand-père, de 20 ans, en tenue militaire, qui se retrouve assez désemparé, en voyant cette dame sexagénaire, une parfaite inconnue, apparaître dans sa chambrée, surgie de nulle part. Il doit sans doute se demander s’il n’a pas abusé de la dive bouteille. Elle lui sourit avant de se présenter comme elle l’a déjà fait lors de ses précédentes rencontres avec ses autres aïeux.
- Bonjour parrain Jean-Marie, n’aies pas peur, tu n’as pas d’hallucinations. Je suis bien réelle en face de toi. Je suis ta première petite fille, la fille aînée du fils que tu auras dans quelques années avec ton épouse. Si je t’appelle « parrain » c’est qu’en plus d’être mon grand-père paternel, tu es aussi mon parrain lors de mon baptême. Je voyage dans le temps, afin de rencontrer mes ancêtres et notamment mes grands-parents et tu es l’un d’eux.
En voyant l’expression ahurie de son pépé, Viviane se dit qu’il est en train de penser qu’il rêve ou qu’il est en plein délire, ce qui se comprend car la situation n’est pas banale.
Elle rajoute
- Tu ne rêves pas, et tu ne délires pas, je viens du 21ème siècle, 2022 exactement, presque dans cent ans, j’ai 63 ans et je suis ta « future » petite fille née en 1959. Toi, tu es né en 1905, et tu fais ton service militaire comme tous les jeunes hommes âgés de 20 ans. Je sais que cela dure 18 mois en tout et j’espère que cela ne te paraît pas trop long.
Jean-Marie sort de sa torpeur et lui répond enfin
- Madame, comment se fait-il que vous veniez du futur ? serait-ce de la sorcellerie ?
Viviane sourit car sur ces quatre grands-parents, pas un seul n’a pu la tutoyer, son apparence plus âgée, freinant toute démarche familière envers elle.
- Sorcellerie est un grand mot. Il se trouve que j’ai eu l’opportunité de bénéficier de l’aide bienfaisante d’un mage, laquelle aide me permet de me déplacer dans l’espace-temps pour croiser le destin de mes ancêtres. Je suis retraitée et je fais de la généalogie, une activité consistant dans la recherche filiative de mes ascendants et à ce titre, j’ai eu envie de partir à la rencontre de ceux-ci, à certains moments de leur vie, pour comprendre aussi ce qu’il en était pour eux, à ce moment-là.
Les yeux de Jean-Marie se mettent à briller d’un air goguenard.
- Ce qu’il en est en 1925 ? pour nous les petites gens, ceux des campagnes, du monde paysan ou ouvrier ? oh ! pas grand-chose ! il faudrait sans doute que le peuple se révolte un peu pour faire bouger les choses. Il y a des grèves dans beaucoup de secteurs mais je ne suis pas certain que cela aboutisse à de meilleures conditions de travail et de salaires.
Viviane essaie de se rappeler ce qu’elle a pu lire concernant la France au début du 20ème siècle et notamment en 1925. Gaston Doumergue a été élu président de la République en 1924 et il succède à Alexandre Millerand, démissionnaire. Il est issu d’une famille protestante, contrairement à la plupart des présidents issus de familles catholiques. Pour anecdote, il va se marier douze jours avant le terme de son mandat en 1931 avec Jeanne-Marie Gaussal, faisant de lui le premier président à se marier en cours de mandat.
C’est aussi cette année-là que la France sera secouée par le conflit avec le Maroc. En effet le 9 avril 1925, les troupes d’Abd el-Krim pénètrent au Maroc français avec des conséquences sur la politique française, les mois suivants.
Le 14 mai le Parti communiste français (Jacques Doriot) apporte son soutien à Abd el-Krim et réclame l’évacuation du Maroc et la reconnaissance de la république du Rif proclamée en juillet 1923. Les 4 et 5 juillet cela aboutit à la constitution d’un « Congrès d’ouvriers », ou Comité central d'action contre la guerre du Rif. Du 17 juin au 25 juillet a lieu la conférence de Madrid entre la France et l’Espagne sur la question du Maroc. Les négociations débouchent le 11 juillet sur des propositions de paix avec les Rifains. Les deux pays s’engagent à intervenir conjointement pour étouffer la rébellion et à ne pas signer d’accord séparé. Le 18 août Pétain effectue un nouveau voyage au Maroc. Il prend en main les opérations militaires au détriment de Lyautey et réorganise les forces françaises (150 000 hommes le 14 septembre) pour mener la contre-offensive dans la guerre du Rif, au côté des Espagnols, contre les troupes de Abd el-Krim.
Le capitaine Charles de Gaulle fait partie de son état-major.
Le 24 septembre, Lyautey, résident général au Maroc, démissionne car il est opposé à la coopération militaire franco-espagnole. Il quitte le Maroc pour la France le 10 octobre.
Le 12 octobre la grève générale contre la guerre du Maroc est organisée par le parti communiste.
Viviane pense que finalement son grand-père a échappé à cette guerre du Rif, contrairement à son fils envoyé contre son gré, en Algérie en 1956, et revenu traumatisé, par les horreurs vues et la cruauté des combattants algériens, torturant et tuant de manière affreuse, les pauvres soldats français. Refaire l’histoire au nom du « wokisme » (nouvelle religion sectaire du 21ème siècle) est une ineptie car les guerres ne sont jamais propres et les algériens, toujours dans la victimisation les concernant, oublient les atrocités qu’ils ont eux-mêmes commises contre les soldats français, les « pieds-noirs » et les « harkis », des gens de leur propre peuple.
Pour en revenir à 1925, Viviane se dit que les français attachés aux valeurs de l’Eglise catholique sont sans doute plus intéressés par les décisions prises par le gouvernement Herriot. En effet le 3 mars Herriot autorise les conseils municipaux de Strasbourg et de Colmar de rendre leurs écoles jusqu’ici dites confessionnelles, interconfessionnelles. Les municipalités de Schiltigheim, Graffenstaden, Guebwiller et Huningue font de même. Cette décision crée un important malaise au sein du parlement et dans le pays en général. Le 14 mars c’est un appel à la grève scolaire pour le 16 mars lancé par Mgr Ruch évêque de Strasbourg et par Michel Walter, président du Comité d'action pour la défense des libertés et traditions religieuses en Alsace. Le 12 juillet, une grande manifestation rassemble 6000 à 10000 catholiques à Nancy contre l'application des lois laïques à l’Alsace-Lorraine.
Son grand-père n’ayant jamais été un ardent partisan de ce qu’il nommait « bondieuserie », et plutôt favorable aux idées communistes car pour lui, c’était la seule cause qui défendait le monde prolétaire, (même si politiquement il n’a jamais adhéré à aucun parti) devait sans doute être plus sensible à l’avancée des protestations des ouvriers. Effectivement cette année-là, différentes corporations se sont mises en grève et certaines ont obtenu gain de cause sur leurs revendications salariales. Le 16 janvier, un décret sur la création du Conseil économique et social a été voté. Le gouvernement Herriot fait adopter une série de mesures sociales. Les Postes qui sont désormais dotées d'un budget annexe et d'un programme de grands travaux. La chambre vote l'extension de la loi des huit heures, et étend l'admission gratuite des élèves dans les lycées et collèges comportant des places vacantes. Une loi fiscale établissant la taxe d'apprentissage est également adoptée.
- C’est vrai que tu n’as que 20 ans mais que tu as commencé à travailler, depuis un certain temps.
- J’avais 9 ans, quand mes parents m’ont envoyé travailler pour rapporter un peu d’argent pour faire vivre la famille. C’était en 1914, l’année de la guerre. A la maison, nous étions déjà quatre enfants et j’étais l’aîné de la fratrie. Les deux autres sont nés plus tard.
Viviane se dit qu’ils étaient en fait sept enfants, non pas six, mais en 1925 Jean-Marie ne pouvait pas le savoir, le dernier fils ne viendrait qu’en décembre 1926 soit 21 ans et demi après la naissance de son frère aîné.
Jean Marie reprend :
- Ensuite, lorsque j’ai été plus grand, je suis parti travailler comme forgeron dans une des nombreuses usines de forge de la région. Beaucoup de paysans sont à la fois agriculteurs, vignerons et forgeurs ou forgerons, vers chez nous. Depuis quelques années, je travaille à St Martin la Plaine.
Effectivement la vallée du Gier est réputée pour ses forges, dont les origines remontent loin dans le temps. Il apparait que le développement et la qualité du travail effectués par les petits artisans du Gier sont venus aux oreilles du roi François 1er, en 1515, au cours de la bataille de Marignan. Celui-ci, se plaignant de la qualité des armes utilisées par ses soldats, suggère la création de bonnes forges ou de fenderies, au même titre que celles du Hartz en Autriche, de Tolède en Espagne ou de Damas, alors en Turquie. A cela, M. de la Palice répond qu'il est, non loin de son pays roannais, une vallée où ces forges existent déjà. Le fait est confirmé par le chevalier Bayard qui déclare avoir vu, provenant de la Vallée du Gier, d'excellentes arbalètes, arquebuses et hallebardes, et, même, d'autres armes (2).
Depuis le 19ème siècle, les forges sont en plein essor dans le Gier, avec notamment l’entreprise prospère des frères Marrel, sans doute la plus connue, mais il ne faut pas oublier toutes les autres usines, dont c’était aussi l’activité principale. Pour faire un rappel historique, depuis le début du 19ème siècle, l'entreprise de François Marrel prospère régulièrement. En 1840, elle compte vingt-cinq à trente ouvriers. Ses spécialités sont le boulon, le ranchet de voitures, la ferronnerie du bâtiment. Au décès du fondateur, succède son fils Charles qui s'entoure de ses six fils pour former la société Charles Marrel père et fils, en 1845. A la suite de la Révolution de 1848, les frères sont obligés de se séparer, mais se retrouvent dès 1853 pour constituer la société "Marrel Frères". L'atelier de Saint Martin-la-Plaine, trop petit pour fabriquer des grosses pièces de forge est transféré à Châteauneuf, dans le quartier des Etaings. Construite en 1866, la cheminée de 108 mètres de haut et classée monument historique en 1992, se dresse toujours au milieu de l'usine devenue, aujourd'hui, Arcelor Mittal.
A la même époque, d'autres forgerons de Saint Martin-la-Plaine descendent dans la vallée pour disposer de locaux plus vastes. C'est le cas des Ets Mazenod, spécialisés dans la chaîne pour la marine, la chaînerie en général et les ferronneries diverses ; des Ets Meley spécialisés dans la fabrication des espagnolettes pour portes et fenêtres. Au début du 20ème siècle, Saint Martin la Plaine est toujours connu pour "la fabrication des ressorts, des chaînes de puits, des crémaillères de cheminées et des anses de marmites (3).
Jean-Marie faisait déjà partie des forgeurs des Etablissements Meley en 1922, alors qu’il n’avait que 17 ans.
(2) source J. Combe, Saint Martin la Plaine, 1960, Ed. Dumas (3) source J. Lapourré, Histoire de la ville d'Izieux, 1921, Imp. La Loire Républicaine, 1990, Les Amis du Vieux Saint Chamond, Réédition Reboul imprimerie). |
Viviane ne peut s’empêcher de penser que de l’âge de 9 ans à celui de 65 ans (âge légal de la retraite de 1945 à 1983), cela fait quand même 56 ans de période travaillée pour son grand-père. En 1925 à raison de 60 heures par semaine avant 1919 et de 48 heures hebdomadaires à partir de cette date-là, cela faisait des mois de 260 heures réduits à 208 heures ensuite, loin du compte des 151,67 heures actuelles pour 35 heures par semaine. C’est le Front Populaire en 1936 qui apportera enfin des acquis sociaux aux travailleurs français, des droits et une protection sociale, difficilement obtenus par nos aînés et qu’il ne faut surtout pas laisser disparaître sans résister.
En 1925, Jean-Marie est loin de se douter des évènements qui secoueront le monde ouvrier en 1936. Il vit encore chez ses parents et travaille dur pour gagner son pain à la sueur de son front, ce qui n’est pas qu’une image symbolique quand on sait à quel point, le fait de travailler continuellement devant le feu de la forge burine les traits et fait couler la sueur le long du visage et du cou.
(photo de forgerons dans une coutellerie au début du 20ème siècle à titre illustratif du métier de forgeron)
Viviane se souvient de la force qui émanait de son aïeul, lorsqu’il brandissait le marteau avec lequel il travaillait les chaînes sur son enclume, le visage rougi par le feu qui crépitait dans le four de la forge. Il était vêtu de sa « basane », un tablier de cuir que portaient les forgerons pour se protéger des étincelles qui voletaient. Elle était encore une enfant mais elle conserve cette image de puissance dans le bras musclé qui s’élevait avec l’outil et retombait en cadence sur l’enclume, pour façonner le fer. Les objets en fer forgé qu’ils faisaient étaient magnifiques.
Elle ne s’est pas rendue compte qu’elle s’est perdue dans ses souvenirs, et que Jean-Marie l’observe, interrogatif.
Elle lui sourit et lui demande :
- En dehors des exercices militaires, comment occupes-tu ton temps ? Tu ne te sens pas trop seul ?
- Oh non, je m’entends bien avec mes compagnons et lorsqu’on peut, on va boire un coup dans un bistrot plus loin. Parfois, on va faire la fête entre nous et le temps passe. Les dix-huit mois seront vite passés et je retournerai ensuite travailler comme tous les « bidasses » de retour dans la vie civile.
Elle se souvient de ce bar car il en avait parlé début des années 80, lorsque des travaux ont été entrepris à Lyon pour étendre le métro et que des vieux immeubles ont été détruits, ce qui aurait été le cas du café concerné.
Son grand-père étant un bon vivant, un épicurien, aimant le bon vin et les plaisirs de la table, elle ne doute pas un instant, qu’il a dû vivre ces dix-huit mois d’armée avec la bonhomie qui le caractérisait.
Il est temps pour elle de réintégrer son époque et c’est avec nostalgie et beaucoup de tendresse, qu’elle fait ses adieux à son parrain, qu’elle retrouvera dans 34 ans, lors de sa propre naissance. Lui-même parait ému, même si elle sait qu’il ne se rappellera jamais de cette rencontre insolite avec sa descendante.
Elle prononce les mots magiques et en une fraction de seconde, la voilà de retour dans sa maison du 21ème siècle, encore bouleversée par cette troisième rencontre.
Elle ne sait pas encore où son instinct la guidera la prochaine fois, car il lui faut chaque fois, amortir le côté émotionnel du voyage dans le temps.
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Tous droits réservés manuscrit en cours depuis juin 2022
Viviane B-Brosse alias Sherry-Yanne
Copyright 00067596
Extrait du manuscrit RENCONTRES ANCESTRALES OU VOYAGES INTEMPORELS
publié sur mon site sherryyanne.com
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Photos illustrations trouvées sur internet
Date de dernière mise à jour : 2023-01-30
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