RENCONTRE FICTIVE FÉVRIER 1871 AVEC JEAN-BAPTISTE SOSA 20
La rentrée des classes 1970-1971 a été toute une aventure pour Viviane puisqu’elle a marqué son entrée dans le monde des grands.
Pensez donc !
En 6ème !
Au collège !
Que de changements entre son école primaire campagnarde et cette grande structure où il lui est impossible de compter le nombre d’élèves tellement il y en a, répartis en plusieurs classes de 6ème, 5ème, 4ème et 3ème.
Que de bouleversements dans la gestion de sa petite vie d’enfant !
Son village étant situé à 10 kms environ, et la maison de ces parents à 3 kms du village, il faut chaque matin prévoir un parent (père ou voisin) pour emmener les enfants à l’arrêt de car situé au village, puis ensuite prendre le car de ramassage scolaire qui fait plusieurs arrêts sur son trajet en traversant les différents hameaux, et il en est de même le soir pour rentrer de l’école.
Cela parait d’abord compliqué pour tout enfant qui passe de l’école élémentaire au collège des grands.
Ensuite, il faut apprendre à gérer le changement de salles de classes entre chaque cours, ainsi que celui des professeurs pour chaque matière. Passer d’un seul « maître » ou « maîtresse » à plusieurs enseignants est un apprentissage en plus, qui peut parfois perturber certains élèves.
De plus en 1970, c’est l’entrée de l’enseignement des maths dites modernes dans le programme scolaire. Ce sont des ensembles de ronds et de lettres censés remplacer les bons vieux problèmes et les calculs pragmatiques enseignés à l’école primaire.
Un casse-tête qui va poursuivre Viviane pendant 7 ans alors qu’elle est à l’aise avec le calcul mental et les opérations classiques.
Pourtant en cette journée de février 1971, elle n’est pas à l’école, ses devoirs sont finis et elle ne pense pas à sa « bête noire », en l’occurrence les maths modernes.
Pour se détendre, et oublier les contraintes scolaires et familiales, elle décide de s’en aller faire un tour dehors, malgré le froid. Elle se dirige vers un lieu qu’elle affectionne particulièrement où un arbre majestueux lui tend les bras. Sans réfléchir elle grimpe sur les branches pour essayer d’atteindre le sommet et admirer la vue d’en haut. A ce moment-là, son pied dérape et c’est la chute brutale. Elle s’évanouit sous la violence du choc.
Lorsqu’elle reprend connaissance, elle se demande où elle se trouve car tout est bizarre autour d’elle.
Elle se relève, intriguée et observe les alentours.
Que se passe-t-il ?
Ou est-elle ?
Une voix jeune la fait sursauter.
L’inconnu gronde :
-Que fais-tu ici ? Où sont tes parents et d’abord qui es-tu ?
Viviane, surprise détaille l’homme qui lui fait face. C’est un jeune homme de corpulence normale, pas très grand, pas plus d’1m65. Il doit être âgé de 20 ans environ, peut-être un peu plus. Il a belle allure.
Mais qui est-il ?
Elle ne le connait pas.
En plus, il ose lui demander ce qu’elle fait ici, alors qu’elle est dans le pré, à côté de la maison de ses parents.
Il est culotté celui-là.
D’ailleurs où est passée la maison de ses parents ? Elle a disparu.
Viviane commence à s’inquiéter car la situation lui parait de plus en plus anormal.
Devant l’air inquiet de l’enfant, l’inconnu adoucit sa voix et lui demande de nouveau.
- Qui es-tu petite ? t’es-tu perdue ? Je suis Jean-Baptiste, je vis ici et je ne t’ai jamais vu auparavant. Il est vrai que je rentre depuis peu de la mobilisation pour la guerre contre ces satanés prussiens. J'ai du quiiter mon village pendant plusieurs semaines. Heureusement que cela n’a duré que quelques mois, de mi-juillet 1870 à fin janvier 1871, mais nous étions mal entraînés au combat et la Prusse n’a pas eu de mal à remporter la victoire. J’étais au 162ème régiment d'infanterie.
Viviane sursaute. 1870 ? 1871 ? la Guerre ? La Prusse ? Jean-Baptiste ?
Les morceaux commencent à se mettre en place dans sa tête, mais c’est tellement incroyable qu’elle a du mal à admettre ce qu’elle commence à comprendre.
Le choc qu’elle a reçu sur la tête lui a fait traverser le temps et elle se retrouve au même endroit mais cent ans en arrière, en février 1871, ce qui explique pourquoi la maison de ses parents a disparu. Effectivement c’est Jean-Baptiste qui va construire cette maison plus tard.
Jean-Baptiste est son trisaïeul né en 1848, il a donc 23 ans et il a participé à la guerre de 1870, cette courte guerre qui vit la débâcle de la France, la fin de l’Empire de Napoléon III, le début de la 3ème République et la perte de l’Alsace et La Lorraine.
La guerre franco-allemande de 1870-1871, parfois appelée guerre franco-prussienne ou guerre de 1870, est un conflit qui oppose, du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871, la France à une coalition d'États allemands dirigée par la Prusse et comprenant les vingt-et-un autres États membres de la confédération de l'Allemagne du Nord, ainsi que le royaume de Bavière, celui de Wurtemberg et le grand-duché de Bade. Le 19 juillet 1870, l’Empire français déclare la guerre au royaume de Prusse. Les troupes françaises étant néanmoins mal préparées, moins nombreuses que les prussiens, sont battues à plusieurs reprises début août sur le front de l'Est. Napoléon III, qui dirige l'armée jusqu'au 7 août, cède le commandement au général Mac Mahon. Encerclé à Sedan, l'empereur capitule le 2 septembre 1870. Cette capitulation entraîne la chute du régime et la proclamation de la République. Le gouvernement provisoire continue la guerre, mais la masse des volontaires rassemblés par ses représentants manque de matériel et d'encadrement. L'armistice général intervient le 15 février 1871. Le traité de paix, signé le 10 mai 1871 à Francfort-sur-le-Main, consacre définitivement la victoire allemande. Les États allemands s'unissent en un Empire allemand, proclamé au château de Versailles, le 18 janvier 1871. La victoire entraîne l'annexion par le Reich de l'Alsace (excepté le Territoire de Belfort) et d'une partie de la Lorraine (Moselle actuelle), que la France ne récupérera qu'en 1918 à la suite de la Première Guerre mondiale. La défaite et la perte de l'Alsace-Lorraine provoquent en France un sentiment de frustration durable et extrême qui contribue à la montée d'un nationalisme revanchard.
Jean-Baptiste a dû rentrer récemment du Centre d’Allemagne (indication sur sa fiche militaire) et il doit reprendre ses marques dans le domaine agricole qui sera le sien toute sa vie, en tant que propriétaire-cultivateur.
Rassurée, elle le dévisage de nouveau, puis lui sourit gentiment.
- Je sais que tu ne vas pas me croire mais je suis ton arrière-arrière-petite-fille et je viens du futur. Il y a quelques minutes, j’étais encore en février 1971 et je me retrouve cent ans en arrière, en février 1871, en train de discuter avec un de mes ancêtres, c’est-à-dire, toi. C’est incroyable, je sais, et je ne suis pas folle, je t’assure. Je vais te le prouver. Tu es né le 5 septembre 1848, le même jour que le roi Louis XIV, mais pas la même année évidemment, ton père est Jean-Pierre et ta mère est Fleurie. Ta maman est décédée quand tu avais 9 ans et ton père s’est remarié avec Françoise, une veuve avec qui il a eu Marie, ta demi-sœur, qui est elle aussi ma trisaïeule. En effet de ta descendance, naîtra mon père et de celle de Marie, naîtra ma mère. Ton épouse sera la sœur d’un autre trisaïeul. Bientôt tu feras construire une maison sur le rocher, à la pointe des deux chemins, et cette maison est celle où je vis, avec mes parents, mes frères et ma sœur, au 20ème siècle.
Elle ne peut s’empêcher d’avoir une expression taquine lorsqu’elle constate la surprise qui se lit sur les traits de son interlocuteur.
La situation n’est pas commune.
Jean-Baptiste se demande si le vin ne lui a pas tourné la tête puis dubitatif, il opine du chef.
-Eh beh petite, en voilà une drôle de surprise. Je n’aurais jamais pensé rencontrer une de mes descendantes. Au moins, je sais désormais que je vais me marier et fonder une famille. Je suis heureux de savoir que je ferai souche. C’est une bonne nouvelle.
- Ouh là là ! Pour faire souche, tu vas faire souche. Figure toi que dans le village, il y a une bonne dizaine de familles qui descendent de toi, entre tes filles et tes fils, tu vas avoir une belle descendance. Tous ne porteront pas ton nom patronymique mais ils seront tous de ton sang. Tu en auras dans plusieurs hameaux de la commune.
- Je ne sais pas si je rêve ou si je suis éveillé, ou si le soleil m’a tapé sur le crâne, car je sais ne pas avoir bu de la mauvaise piquette ce jour, mais me voilà bien content d’apprendre tout cela.
- Tu seras un véritable patriarche, propriétaire de tes terres et tu vivras très vieux, puisque tu rejoindras ton épouse décédée avant toi, dans ta 81ème année. Ta maison restera dans la famille. Un de tes petits-fils la vendra à mon père, lui-même ton arrière-petit-fils. Ainsi cette maison reste symboliquement une demeure familiale, où nous vivons actuellement en 1971.
- Merci petite pour tout ce que tu viens de me révéler. Il est temps pour toi de repartir dans ton siècle, auprès des tiens qui doivent peut-être te chercher en ce moment. Je te souhaite à toi aussi d’être heureuse auprès de ta famille. Que Dieu te bénisse et te protège des guerres meurtrières qui font tant de ravages dans les familles !
A ses mots Viviane ferme les yeux, puis elle secoue la tête.
Aie, aie, aie !
Ce qu’elle a mal au crâne et ses membres sont tout endoloris. La douleur est lancinante
Mais qu’est-ce qu’elle fiche par terre ?
Elle comprend à ce moment qu’elle est tombée de l’arbre et qu’elle a dû s’évanouir pendant quelques instants.
Il est temps pour elle de se ressaisir et de rejoindre la maison où ses parents n’ont pas eu le temps de s’inquiéter de son absence.
Elle se garde bien de leur dire qu’elle est tombée de l’arbre et s’est évanouie et surtout elle garde pour elle la vision de son voyage à travers le temps, à la rencontre de son trisaïeul Jean-Baptiste car elle sait pertinemment que personne ne la croirait et qu’elle serait punie pour oser affabuler. Il faut parfois savoir se taire dans la vie, pour vivre en paix.
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Tous droits réservés 24 juillet 2022
V.B-Brosse alias Sherry-Yanne
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Publié sur mon site Sherry-Yanne le même jour
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L'image d'illustration représente la signature du Traité de Versailles en 1871