LETTRE A MA BISAÏEULE MATERNELLE MARIE ANNE ROMAIN SOSA 13 GÉNÉRATION 4
EN QUÊTE DE MARIE ANNE MON AGM INCONNUE
Lettre à Marie Anne mon arrière-grand-mère maternelle
A toi mon arrière-grand-mère maternelle, ma chère inconnue, devenue si présente dans mon cœur pour t’avoir tant cherché.
Photomontage personnel créé avec la photo de Marie Anne Romain mon arrière grand-mère maternelle. Tous droits réservés sur ladite photo
Mon arrière grand-mère aurait 151 ans en 2019
Lorsque j’ai démarré mes recherches généalogiques, je ne connaissais rien de toi, ni ton nom, ni ton prénom, ni ton âge, ni l’endroit où tu vivais, ni même tes dates de naissance et de décès.
Tu es la seule de mes arrière-grands-mères sur laquelle j’avais si peu de renseignements.
J’avais connu une de mes arrière-grands-mères paternelles, Francine, décédée en 1967, l’année de mes 8 ans, même si celle-ci reste très floue dans mes souvenirs. Je revois une grosse dame, vêtue de noir avec un chignon et des lunettes et c’est tout.
Je connaissais l’existence de mon autre arrière-grand-mère paternelle, car ma grand-mère paternelle m’avait montré les photos de ses parents Jean Pierre et Perrine, et plus tard, elle a évoqué pour moi leur filiation jusqu’à la 6ème génération (8ème pour moi), lesquels renseignements ont ressurgi dans mes souvenirs lorsque je suis remontée dans les branches de l’arbre généalogique côté paternel.
J’avais vaguement vu une photo de ma grand-mère maternelle, âgée de 5 ans environ, assise sur les genoux de ses parents, mes arrière-grands-parents maternels Joanny et Antoinette, mais je ne savais rien d’autre que ce que j’avais vu écrit au cimetière où ils sont enterrés, c’est-à-dire leurs noms et prénoms, et les années de leur naissance et de leur décès.
Par contre, en ce qui concernait les parents de mon grand-père maternel décédé lui-même si jeune, âgé de 36 ans, que je n’avais donc jamais connu, je n’avais aucune information et j’ai dû partir à la recherche de cette branche totalement inconnue pour moi.
Dans un premier temps, j’ai recherché l’acte de naissance de mon grand-père, lequel m’a indiqué les noms de ses parents Claude Fayolle et Marie Anne Romain. A ce moment là la famille résidait à Saint Chamond dans la Loire, sans doute pour raisons économiques car dans la vallée du Gier, (de Rive de Gier à Saint Etienne) l’ère industrielle se développait, dynamisant toute la contrée, par son besoin de main d’œuvre grandissant. C’est la grande époque des usines industrielles, verreries, teintureries, etc et de leurs propriétaires (Les frères Marrel, Barthélémy Brunon, Pétin et Gaudet Germain Morel, Les Etablissements Gillet et tant d’autres dont les noms ne me viennent pas à l’esprit en écrivant cet article).
Vue ancienne des tablissements Gillet, spécialisés dans la soirie, au Creux à Saint Chamond
Vue ancienne de Saint Chamond vers la Place de la Liberté et l'Eglise Notre Dame, au centre ville de Saint Chamond
Il me fallait en savoir plus sur vous, vous si proches en termes de génération et pourtant si lointains.
Claude, ton mari, né en 1860 à Saint Christo en Jarez (Loire), fils de Gaspard et Marie Claudine Giraud, de Saint Christo en Jarez aussi, a épousé en premières noces Anne Marie Galland, en novembre 1884. Ils auront 3 enfants à ma connaissance (mais certains peuvent avoir échappé à mes recherches). Après leur mariage, ils ont dû s’installer à Aveizieux dans la Loire car tous leurs enfants sont nés dans cette commune. Des trois enfants comptabilisés, seuls Gaspard Joseph et Marie Claudine survivront mais le troisième Mathieu né en mars 1890, décèdera en mai 1890. Entre temps sa mère Anne Marie sera elle aussi décédée en avril 1890, peut-être des complications liées à son accouchement.
Autrefois la mort des femmes lors de leurs couches était malheureusement monnaie courante, vécue comme une triste fatalité par nos aïeux qui ne réagissaient sans doute pas avec notre empathie du 21ème siècle, tant nous sommes habitués à bénéficier des progrès de la médecine.
Neuf mois plus tard, en janvier 1891, toujours à Aveizieux, Claude t’épousera comme cela était habituel, pour les veufs, ayant charge d’enfants en bas âge. Ensemble vous aurez de nombreux enfants. J’en ai retrouvé six (6), ce qui fait neuf (9) avec les trois enfants nés de la première union.
Y en avait-il d’autres ?
Je ne sais pas car je n’en ai pas trouvé mais ta fille Antonia racontait qu’il y en avait quinze (15) et que seuls elle, Antonia et Albert son jeune frère, mon grand-père avaient survécu. Elle n’a jamais fait référence aux autres enfants, nés du premier lit, lesquels se sont installés dans le sud de la France, ce que j’ai découvert seulement en 2014.
Pour en revenir à toi, ma chère Marie Anne, tu es née à Aveizieux en octobre 1868, fille de Jean Claude, natif d’Aveizieux et de Benoite Bouché, native de Meylieu Montrond (Montrond les Bains Loire). En 1890, tu as 22 ans et en observant la seule photo que j’ai de toi, je suppose que tu devais être une très jolie jeune femme aux traits fins qui ne pouvait que séduire un fiancé potentiel. Cela n’a pas dû être simple d’épouser un veuf et d’élever ses petits orphelins, tout en étant toi-même engrossée régulièrement, comme cela était de mise aux siècles précédents (avant la révolution sexuelle et le droit des femmes à disposer de leurs corps).
Eglise d'Aveizieux dans la Loire ou toi et tes premiers enfants furent baptisés et où tu reçus la bénédiction nuptiale lors de tes noces avec Claude.
Sur les six enfants que j’ai pu retrouver, tu donnas naissance à trois de tes enfants à Aveizieux, soit Claude né en juillet et décédé un mois plus tard en août 1891, puis à un autre Claude. Nos aïeux avaient la manie de redonner le prénom d’un enfant mort à l’enfant suivant, déposant ainsi une forme de malédiction sur sa tête, ce qui fut le cas pour ce second Claude né en décembre 1892 et décédé en février 1893, puis vint Antonia née en avril 1895, (laquelle décéda en 1983 à Lyon dans le Rhône). Ensuite j’ai retrouvé votre trace à Claude et toi, sur la commune de Fontanès dans la Loire, où Pierre Marie naquit en novembre 1896 et décéda en janvier 1897. Ensuite je perds votre trace jusqu’en 1903 où je vous retrouve à Saint Chamond, toujours dans la Loire, avec la naissance de Claude Marie Antoine né en septembre 1903 (je crois que lui aussi est mort en bas âge) puis lors de la naissance de mon grand-père Albert en juin 1909 qui ne vécut malheureusement pas très vieux puisqu’il mourut en 1945.
Perdre ses enfants en bas âge faisait partie de la normalité à l’époque et entraînait sans doute une part de fatalité, accentuée par la religion, qui permettait d’accepter la cruauté du sort.
Je ne peux m’empêcher d’avoir de la compassion pour toi et pour toutes mes ancêtres, victimes de cette injustice de la vie. Ayant perdu mon premier enfant, âgé seulement de 4 mois, je me souviens de cette décharge fulgurante dans le ventre, comme si on m’avait transpercé d’une épée pour m’arracher mon petit et même 32 ans plus tard, je ressens encore ce coup de poignard de la vie, alors je souffre chaque fois que je découvre qu’une mère a perdu presque tous ses enfants en bas âge.
En 1912, Claude et toi résidiez au 2 rue du Chatelard à Saint Chamond.
Lors de la mort de ce dernier en mai 1912, il est indiqué sur son acte de décès qu’il est décédé en son domicile, 2 rue du Chatelard. Il y est aussi noté que ton frère Claude, comparant à l’acte, est domicilié au même lieu. (Pour information : Chatelard (rue du) : allusion à un château ancien et secondaire ; diminutif de château majeur). En recherchant les rues actuelles de Saint Chamond, je tombe sur une « impasse du Chatelard » situé pas très loin de la rue Pétin Gaudet et du secteur industriel d’antan de la ville de Saint Chamond, ce qui confirme un exode pour raisons professionnels, pour ne pas dire pour survivre tout simplement.
Vue ancienne de Saint Chamond dans la Loire
Il n’avait que 52 ans.
De quoi est-il mort ? Problèmes de santé? usure prématurée suite aux conditions de travail et aux horaires épuisants? alcoolisme? Il ne faut pas oublier qu’autrefois, il n’y avait pas de télévision, d’ordinateur, de loisirs, au sens où on l’entend de nos jours et que les hommes, une fois finies leurs très longues journées de travail, se retrouvaient au bistrot où ils enchaînaient les chopines de vin ou les verres de fée verte (absinthe pour ceux qui ont lu l’histoire des Rougon Macquard d’Emile Zola). Le bistrot était autrefois un endroit familier où les hommes se retrouvaient chaque soir et le dimanche après la messe, et il n’y avait pas moins d’une dizaine de troquets dans des petits villages qui n’en ont même plus un seul de nos jours. Autrefois les hommes buvaient beaucoup de vin car il n'y avait rien d'autre et il faut oublier notre regard "moderne" pour ne pas juger le comportement ou les moeurs de nos ancêtres.
Antonia avait 17 ans et le petit Albert seulement 3 ans.
Il fallait s’en sortir pour continuer à vivre.
Je n’ai pas pu savoir si Antonia ou toi aviez dû travailler à l’usine ou faire des ménages, des lessives ou du repassage, (ou pas) car lorsque tu te remaries en juillet 1914 avec Antoine Marie Gillier, tu es déclarée ménagère ce qui sous-entend « femme au foyer » et ta fille Antonia avait entretemps épousé Régis Auguste Vinson en mai 1914. Leur fils né en 1917 est toujours de ce monde en 2019 donc je n’en dirai pas plus sur leur union, par respect pour la vie privée de ce lointain cousin contemporain.
Hélas la grande guerre de 1914-1918 est arrivée avec la mobilisation militaire du 2 août 1914. Antoine Marie ton second époux, fit partie du lot et partit au front comme tant d’autres. Il en revint puisque je possède une photo de lui avec mon grand-père, sans doute de 1929.
Mais toi, pendant ce temps-là, il t’a fallu faire face comme tant d’autres femmes pendant l’horreur de cette grande guerre et je me demande comment tu t’en es sortie. Je t'imagine loin de ta famille, luttant contre l'adversité de la vie quotidienne en temps de guerre. Je ne sais pas comment tu as survécu, ni même comment tu te déplaçais, intra ou extra muros, sans doute à pieds comme tes contemporains, parfois en carriole, et de temps en temps en train puisque Saint Chamond disposait déjà de la gare, toujours en activité de nos jours.
Vue ancienne de la gare de Saint Chamond à l'entrée
Vue ancienne de la gare de Saint Chamond du côté des voies ferrées
De toi j’ai une photographie, prise avec ton époux Antoine Marie, et une autre photographie du même Antoine avec ton fils Albert. Les deux photos paraissent être prises à la même époque mais pourtant mon intuition me dit que celle d’Albert et Antoine a été prise après ton décès en 1929 alors que celle où tu poses aux côtés d’Antoine pourrait dater de votre mariage en 1914. Je ne le saurai malheureusement jamais.
Hélas, tu n’as pas vécu très vieille puisque tu es décédée en octobre 1929, âgée de 61 ans, à l’hospice des vieillards de Saint Chamond. J’avoue avoir « tiqué » en lisant qu’à 61 ans, tu étais dans un hospice pour vieillards, moi qui suis dans ma 60ème année, et qui me sens encore jeune dans ma tête, même si physiquement j’ai perdu vigueur et souplesse. Je ne me sens pas « vieillarde » pour deux sous et encore une fois, j’ai dû me projeter en arrière où la soixantaine était considérée comme un état de vieux. Par contre je me suis demandée où était passé ton mari qui ne pouvait pas s’occuper de toi, et surtout dans quel état mental et physique tu te trouvais pour mériter un placement aussi radical.
J’ai cherché où se trouvait cet ancien hospice des vieillards de Saint Chamond et j’ai découvert, que cet établissement était devenu le lycée Saint Vincent, lui-même transformé depuis quelques années en lots de copropriétés.
Vue ancienne de l'Hospice des vieilards Place Croix de Beaujeu à Saint Chamond
Je ne sais pas ce qu’est devenu Antoine Marie par la suite.
De même, je ne sais toujours pas ou Claude et toi, reposez pour l’éternité.
Je sais que ce n’est pas dans le cimetière d’Avezieux car je l’ai parcouru et la marie m’a confirmé qu’il n’y avait aucune concession à vos deux noms.
Pour ce qui concerne, Saint Chamond, je n’ai rien trouvé dans le grand cimetière, rue de l’éternité mais il existe d’autres cimetières, notamment des communes rattachées à Saint Chamond dans les années 1960, en l’occurrence Izieux, Saint Martin en Coailleux, Saint Julien en Jarez et d’autres dépendant aussi de Saint Chamond.
Cela m’ennuie de ne pas savoir où vous dormez à jamais car pour mes autres arrière grands-parents, je connais leurs tombes depuis mon enfance, et chaque Toussaint, je les ai vu fleurir par mes parents ou mes grands-parents sauf vous deux et franchement, même si vous n’en avez plus rien à faire, cela m’attriste.
Tous droits réservés le 4 mars 2019
Viviane B-Brosse alias Sherry-Yanne
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Cartes postales trouvées sur internet utilisées dans un seul but illustratif
Vue ancienne de Saint Chamond dans la Loire